Mondialisation, Maritimisation, Développement Durable

Texte de la Conférence de Francis Vallat, à la Maison des X à Paris, le 15/11/13.
Le XXI° siècle sera d’abord maritime pour la planète, devenue économiquement bleue avec l’irrésistible « globalisation », cause et conséquence de la maritimisation du monde. Les activités maritimes, avec entre autres 90% des marchandises transportées par mer, représentent déjà chaque année un chiffre d’affaires de 1 500 milliards d’€. Elles arrivent ainsi derrière l’agro-alimentaire mais loin devant l’aéronautique, les télécoms… Et ce sera 2 500 milliards en 2020 ! Aujourd’hui 50 000 navires de commerce, armés par 1 500 000 marins, sillonnent les mers (soit une augmentation de 40% en 10 ans). Les flux de cargaisons, déjà triplés ces trente dernières années, doubleront encore d’ici les années 2020 à 16 milliards de tonnes.

Ce sont 1,6 milliards de passagers qui embarquent annuellement (l’équivalent du transport aérien international), tandis qu’on transporte une tonne par homme et par an sur 8 000 km (dont 99,8% arrivent à bon port), et que les câbles sans cesse posés au fond des mers permettent infiniment plus de communications que l’ensemble des satellites.

Une révolution économique
Une des raisons majeures de cette croissance maritime exponentielle est la puissance de l'outil maritime, toujours accrue depuis Vasco de Gama passant le Cap de Bonne-Espérance et coulant en quelques années la puissance vénitienne car « d'un seul coup » les produits de Chine - déjà - valaient cinq fois moins cher à Lisbonne qu'à Venise! Aujourd’hui c’est l’efficacité incroyable des gros porte-conteneurs, qui fait que le transport d’un réfrigérateur de Shangaï sur Anvers ou Le Havre est moins cher que le trajet Anvers-Paris. Pour nombre de produits. la Chine est « plus près » de Paris que l’est Romorantin. Normal ! Transporter 20 tonnes depuis l’Extrême-Orient revient moins cher que le prix d’un billet d’avion en classe économique pour une personne sur le même trajet !

La Mer est l'avenir de la Terre
Par ailleurs la mer est l'avenir de la terre, pour l'énergie, l'alimentation, la recherche pharmaceutique, la cosmétologie, les minerais…Or on connaît seulement 10% de la flore et de la faune marines, et bien moins que 5% des sols marins, qui nous sont plus étrangers que ceux de la lune ou de Mars. C’est d’ailleurs un atout essentiel de notre planète menacée par sa démographie et par l’épuisement de ses ressources traditionnelles. D’où bien sûr la nécessaire « contrainte » environnementale, et plus précisément la nécessité de protéger les mers, à l’heure où 6 000 000 T de déchets d’hydrocarbures y sont déversés chaque année, principalement d’origine terrestre via les fleuves; où environ 50 000 000 de déchets plastiques (dont 80% individuels) polluent le Golfe de Gascogne (c’est 3 milliards pour la Méditerranée) ; où plus de 60 000 navires passent les grands détroits comme Ouessant ou Malacca tous les ans, à la limite du seuil de sécurité. D’où d’ailleurs la nouvelle discussion, relativement récente, du principe de liberté des mers, si essentiel pour la paix mais dont la conception anglo-saxonne extrême ne pourra être maintenue, tant là aussi trop de liberté finirait par tuer la liberté…

Le défi des gens de mer
Et naturellement ce sont la combinaison de la maritimisation de notre monde et de la nécessité de sauvegarder notre planète, comme celle de protéger les générations futures tout en assurant la vie décente des générations présentes, qui imposent les exigences du « développement durable », dans la pleine acception des deux termes. Un défi incontournable qu’entendent bien relever les gens de mer l

Francis VallatFrancis VALLAT, armateur international pendant 30 ans, est Président d’honneur de l’Institut Français de la Mer qu’il a dirigé 10 ans. Il est surtout président-fondateur du « Cluster Maritime Français » (2006), qui développe les synergies entre les différents secteurs « mer » pour dynamiser la France maritime. Le CMF rassemble aujourd’hui plus de 320 entreprises et acteurs professionnels, fédérations et établissements professionnels, en plus de la Marine Nationale. FV préside aussi le « European Network of Maritime Clusters », créé dans son bureau en 2005, qui regroupe aujourd’hui les clusters maritimes de 17 pays.
Combattant de la qualité, F.VALLAT a représenté la France 10 ans au Conseil d’Administration de l’Agence Européenne de Sécurité Maritime, dont il fut en 2005 Président en exercice et dont il a été 6 ans Vice-Président. Armateur pétrolier réputé, il avait demandé publiquement en 1990 que soit déclarée la guerre aux navires poubelles.

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