Témoignage métier de Cyril Lathuilière
Par Laurent Dalimier le lundi, février 10 2014, 19:09 - Interviews - Lien permanent
Cyril Lathuilière est Ingénieur principal de l'Armement, océanographe au SHOM
Je me suis souvent demandé ce qu'il y avait sous la surface des océans.
Qui n'a jamais essayé de deviner, depuis un quai ou la proue d'un voilier, quelle était la profondeur d'eau ? Est-ce que la tache un peu noire en dessous était une roche ou un herbier de posidonies ? Curieusement, la mer est un milieu à la fois familier et inhospitalier, inaccessible voire extrême. Mettez un capteur à l'eau quelques mois, vous le récupérerez incrusté de coquillages si les tempêtes n'ont pas eu raison de son support pourtant solide....
Si je devais résumer mon métier, je dirais que c'est d'utiliser toutes les techniques possibles pour décrire au mieux l'environnement marin au profit des usagers des mers. Sous son apparence homogène, le milieu marin se révèle fortement variable lorsqu'on l'observe avec attention. Le défi scientifique et technique que constitue sa connaissance a donc été déterminant dans mon choix de rejoindre le SHOM, après une thèse de doctorat en océanographie au Laboratoire d'océanographie et du climat (LOCEAN) de Paris.
La prévision océanographique demande la mise en œuvre de techniques variées pour parvenir à fournir une information pertinente. Le socle reste l'observation.
Les campagnes de mesure en mer à bord de navires océanographiques demeurent de nos jours le moyen privilégié d'accéder à la connaissance, car elles permettent à la fois d'échantillonner en trois dimensions les processus océaniques et d'en capturer l'évolution temporelle. C'est d'autant plus vrai que les capteurs se sont à la fois perfectionnés et diversifiés. Voir apparaître sur les écrans de contrôle des appareils de mesures, tous ces processus qui ne présentent pourtant que peu de signature en surface, est fascinant. Les réseaux de flotteurs dérivant et les satellites d'observation complètent très bien cette description et permettent désormais de voir les phénomènes de façon plus systématique.
Le second ingrédient de la prévision océanographique est la modélisation. Cette reproduction de la circulation océanique sous forme numérique m'a tout de suite plu. Les défis technologiques sont nombreux. Il s'agit en particulier d'allier une représentation physique aussi juste que possible, une maîtrise des propriétés numériques et une mise en œuvre informatique d'envergure sur des calculateurs de plus en plus puissants. Observations et modélisation sont indissociables pour fournir aux usagers des mers une information pertinente et fiable.
L'exploration du milieu réel doit aussi nous rendre humbles devant l'abyssal besoin de connaissances qu'il nous reste à satisfaire. Chaque campagne d'observations nous montre des processus que nous ne soupçonnions pas, tout en montrant l'impact des avancées scientifiques sur la qualité des prévisions réalisées.